J'veux pa allé à lécol

Publié le 22 Septembre 2009

Il y a parfois dans ma vie de petit militant des moments de découragement. Ils sont rares mais quand ils sont là, ils sont forts et m'incitent à tout abandonner.

La rentrée scolaire des enfants rroms est chaque année un moment différent. Il faut discuter, discuter, discuter encore.

Discuter avec les administrations, discuter avec les familles, discuter avec les enfants. Je me rends compte que la scolarisation n'a pas la même signification pour les uns ou les autres.

Les administrations sont les premières à avoir une vue différente sur l'école. Les maires sont parfois réticents, parfois opposés à la scolarisation des enfants rroms, je ne sais pour quelles raisons. Peur de l'électorat, racisme, peur de l'étranger ? Je leur laisse le soin de se regarder dans la glace.

Les enseignants, au contraire, sont très volontaires pour recevoir les enfants rroms, au début certainement par conviction ou curiosité, par la suite parce qu'ils se disent qu'il y a un énorme challenge pour continuer à garder ces enfants en classe. Parfois, les rroms sont la bouée de sauvetage pour ouvrir une classe ici ou là.

Pour les parents, la scolarisation devrait être accompagnée du versement des allocations familiales. Ils n'ont pas tort mais j'essaie de leur expliquer que l'école n'est pas un travail et qu'on la fréquente pour d'autres raisons. Mais je les comprends et je trouve vraiment injuste que les familles des enfants scolarisés ne perçoivent pas d'allocations, comme si ces enfants n'avaient pas les mêmes besoins que les autres enfants. Il n'y a que ceux scolarisés en collège qui perçoivent des aides même s'ils n'ont jamais mis les pieds en cours.

Cette situation ne vient pas vraiment du fait qu'ils soient rroms mais du fait de leur nationalité, roumaine ou bulgare et est surtout la conséquence des clauses du traité d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'UE.

Les enfants voient dans l'école la façon de se faire des copains, d'être au chaud en hiver, de manger à la cantine et de faire quelques sorties qui leur permettent de s'évader de la vie misérable des squats.

Pour moi, l'école est tout cela en même temps mais aussi la plus grande chance que puissent avoir ces enfants d'un jour être autre chose que des tsiganes, de briser la malédiction qui les accompagne depuis des siècles, d'avoir une vie d'homme.

Pour les jeunes filles, c'est certainement la seule posibilité de se libérer des hommes de leur communauté qui les considèrent juste bonnes à effectuer les tâches ménagères, faire des enfants, servir les hommes jusqu'à leur laver les pieds.

Parfois, la colère m'envahit quand je vois la résistance qu'opposent les familles à la scolarisation des jeunes filles. Il est vrai qu'elles commencent très tôt à mendier, assurant à la famille un petit revenu qui les aide à vivre.

J'ai discuté avec beaucoup de monde de ces problèmes et chaque fois j'ai eu l'impression que cela n'intéressait pas mes interlocuteurs ou bien qu'ils considéraient que ce n'était pas bien grave.

Comment peut-on penser que ce n'est pas grave que des gosses soient dans la rue en train de faire du vélo ou autre chose à l'heure où ils devraient être à l'école ? Pourquoi personne ne demande des comptes aux parents ?

Pourquoi personne ne fait un signalement au procureur de la République ? Pourquoi les familles ne sont pas poursuivies quand leurs enfants mendient ? Pourquoi les maires posent tellement de problèmes à cette population ?

Il est vrai que parfois la situation peut être décourageante pour les familles. J'ai accompagné hier matin une famille dont ses deux enfants devaient changer d'école pour aller dans une Clin.

Scolarisés à Bordeaux, ils ont été transférés à Cenon (pas de chance !). Ce transfert est à l'initiative des écoles et est une procédure interne à l'académie.

A Bordeaux, ces enfants mangeaient à la cantine. J'ai donc demandé au directeur qu'ils puissent manger aussi à la cantine dans leur école de Cenon. La mairie a donné son accord avant de changer d'avis quinze minutes plus tard. Pas de rroms à la cantine même s'ils viennent de Bordeaux.

Imaginez comme doit être grande la volonté d'aller à l'école à 6 ou 7 ans alors que vous devez changer de ville pour vous alimenter entre les cours. Ces enfants ne meurent pas de faim. Cependant, leur nourriture n'est pas variée ni équilibrée. Le fait de manger à la cantine leur permettrait de faire au moins un repas équilibré dans la journée.

Ainsi va le monde et la vie des rroms. Au passage, les enfants des familles rroms roumaines que j'accompagne depuis 2007 sont tous scolarisés (sont en cours de scolarisation deux en maternelle et un en collège - rdv pour passer les tests d'admission le 12 octobre) mais le problème se pose surtout avec les enfants bulgares, qu'ils soient rroms ou pas.

Certains enfants ne vont pas à l'école parce que leurs parents laissent faire ou ça les arrange, d'autres ont peur des arabes (sic) dans leur école, d'autres n'aiment pas l'école où ils ont été affectés. Comme quoi, il faudra un jour se pencher sur le fait qu'il faut créer un poste de médiateur avec les moyens qui vont avec.

Ajoutons à cela que les conditions de ces enfants dans leurs lieux de vie, parfois sans eau ni électricité, où vivent jusqu'à 80 personnes, les empêchent de faire leurs devoirs ou tout simplement de se reposer la nuit pour être en forme le matin.

Alors, je me dis parfois, comme beaucoup d'autres, que cela ne doit pas être bien important. Puisque tout le monde s'en fout !

Rédigé par Mouette Rieuse

Publié dans #Immigration

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T
<br /> Il est vrai que, si les Rroms et autres donnent, par leur comportement, raison au Mirie de Cenon, on est mal barrrés ; c'est très difficile de faire le bonheur des gens malgré eux, et de leur faire<br /> comprendre leurs vrais intérêts à long terme, surtout quand ils sont précarisés et ont du mal à croire à la réalité du bout du tunnel<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Thérèse, tous les enfants rroms roumains du squat de Cenon sont scolarisés et vont tous les jours à l'école.<br /> Ce sont les bulgares qui posent problème.<br /> <br /> <br />
T
<br /> Ami, pourrais-je juste vous demander une faveur insigne ? Car j'ai de petits, tout petits yeux .. si vous pouviez écrire en caractère 12 ou 14 ... merci pour mes yeux, qui ont de plus en plus de<br /> mal.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Je vais essayer de faire attention.<br /> <br /> <br />