Kypró !

Publié le 8 Juin 2010

- Vous êtes en France depuis trois mois !

- Non, monsieur, je suis là depuis un an !

C'est comme cela que Kypró, le rrom bulgare le plus populaire de Bordeaux s'est fait remettre une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) le 26 mai dernier par les fonctionnaires de la Police aux Frontières (PAF).

Kypró était tout heureux d'être en France depuis un an sans sortir du territoire d'autant plus qu'il était persuadé que c'était un plus pour continuer son séjour. Il semblait ignorer qu'il n'avait pas le droit de rester en France plus de trois, bien que son pays fasse partie de l'Union Européenne.

Il faut dire que Kypró fait la manche tous les jours jusqu'à 22 heures, toujours au même endroit depuis plus d'un an. La PAF, qui intervient sur l'ensemble du territoire ne pouvait ignorer sa situation.

Son OQTF, bien qu'elle lui ait été notifiée le 26 mai dernier, était rédigée depuis le 10 mai. Cela est bien la preuve que ce qui se passe en ce moment avec la communauté rroms sur Bordeaux est le résultat d'une volonté de l'État, avec des étapes programmées et planifiées.

Le cas de Kypró est d'autant plus intéressant que c'est un homme qui aura 65 ans à la fin du mois, qui ne parle presque pas français, qui ne pourra jamais travailler en France et qui ne bouleversera certainement pas l'équilibre du marché du travail. Il fait la manche pour se nourrir, pour se payer un moment de plaisir avec la femme de son copain (celui-ci n'est pas au courant) et peut-être pour envoyer un peu d'argent à sa femme restée en Bulgarie.

Il est gentil et attachant, vaillant et ne demande pas grand-chose.

A l'heure où ce billet sera publié, il sera certainement en route pour l'aéroport pour partir en Bulgarie avec une petite prime de 300 € offerte par l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII, ex ANAEM), pour le remercier de participer aux statistiques du Ministère de l'Immigration.

Kypró n'est pas seul puisqu'un départ collectif est programmé pour 6 heures du matin place Gambetta à Bordeaux. Comme beaucoup d'autres l'ont déjà fait lors de précédents départs et en particulier lors de celui du 16 février 2010, Kypró reviendra un mois plus tard, peut-être avant. Son lieu de vie, un squat, aura certainement été détruit ou muré, mais Kypró et ses compagnons d'infortune iront s'installer ailleurs, comme ils ont l'habitude de le faire.

Ceux qui partent ce matin ont compris qu'ils n'avaient certainement pas le choix étant donné qu'une opération d'expulsion de grande envergure est prévue pour la deuxième quinzaine de juin, semble-t-il.

Alors, en septembre tout recommencera, avec de nouveaux squats, avec de nouvelles têtes qui viendront passer quelques mois à Bordeaux avant de repartir à leur tour par avion avec une petite cagnotte de 300 €.

En ces temps de crise, je pense qu'il est temps de repenser la politique d'immigration avec ces reconduites inutiles et fort coûteuses. Il est temps de tenir compte de la situation réelle de cette population, ô combien complexe et difficile à intégrer, dont on n'a pas fini de parler. Il est temps de mettre en place un médiateur ainsi que de désigner un interlocuteur spécifique dans les différentes administrations.

Arrêtons de fermer les yeux sur une situation qui peut devenir dramatique comme nous avons pu le constater avec l'affaire de prostitution des enfants.

Pour ma part, je suis prêt à en parler avec tous ceux qui voudront écouter. Car jusqu'ici, c'est bien l'écoute qui a manqué, tellement certains fonctionnaires avaient l'impression de maîtriser le sujet. Les résultats de la MOUS (j'y reviendrai), malgré la bonne volonté du personnel du COS (l'association mandatée par le préfet), ne répondent pas aux espérances que tous avaient mis dans cette MOUS.

S'il est vrai qu'il fallait faire intervenir la police pour mettre fin à certains comportements comme le vol de métaux, la prostitution des mineurs et même la non scolarisation des enfants, je pense qu'il fallait aussi mettre les moyens pour donner la possibilité à toutes les familles donnant des signes de volonté d'intégration d'avancer dans leur processus en les accompagnant. Peu ont eu cette chance et il est dommage que le courage politique ait manqué.

Je me dis que nous avons raté une étape, avec le préfet Idrac. Il écoutait, il tenait compte de nos demandes mais il n'a jamais été assez loin dans le processus de mise en place d'une procédure pour améliorer les conditions de vie de cette population. Avec le nouveau préfet, il a eu le courage de lancer la MOUS mais j'ai l'impression que le sens de l'écoute et du dialogue a disparu.

Profitons de l'été, période propice aux voyages et attendons septembre pour faire un constat des dégâts. Et peut-être aussi pour faire des projets d'un avenir plus solidaire.




Rédigé par Mouette Rieuse

Publié dans #Immigration

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