La solitude du militant
Publié le 20 Juin 2010
Je ne sais pas... Je ne sais plus...
J'essaie de m'éloigner des squats de roumains et de bulgares de plus en plus depuis quelques mois et voilà que l'actualité fait que je reviens à chaque fois.
Je me dis qu'il faut que je m'occupe un peu de moi, de ma famille, de mes amis, j'ai changé de numéro de téléphone pour avoir un peu de tranquillité mais rien ne change complètement.
Les rroms (et des non-rroms) me demandent de l'aide. Comment refuser alors que tout cela fait partie de ma vie depuis trois ans ?
Depuis quelques semaines les choses s'accélèrent, s'emballent même. La MOUS est un échec total, les Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) sont délivrées en grandes quantités, les règles ne sont parfois pas respectées.
Le changement de législation qui s'annonce concernant la possibilité d'évacuer un lieu occupé illégalement, sur décision administrative et sans passer par un tribunal, n'augure rien de bon. Les juges ont cette faculté d'analyse et ce regard humain qui manque à l'administratif. Ils ont aussi l'expérience de la pauvreté et de ses conséquences, qu'ils côtoient tous les jours. Ils n'y sont pas insensibles, loin de là.
J'ai parfois le sentiment que tout le monde baisse les bras devant cette évidence qu'est l'expulsion massive qui se prépare pour la fin du mois.
Les élus de gauche tout d'abord. J'ai invité quatre parlementaires de gauche à participer à une conférence de presse commune sur la question rrom.
Catherine Grèze, députée européenne (Toulouse) aimerait bien mais... Noël Mamère m'a donné son accord lors d'une réunion publique à Bègles, devant une soixantaine de personnes. Malgré mes différentes relances, aucune réponse à mes mails. Alain Anziani, sénateur, seul socialiste girondin pour qui j'ai vraiment de l'estime, n'a répondu ni à mes mails ni même au message que j'ai laissé sur son répondeur. Pour terminer, ma députée préférée, Michèle Delaunay, après une première excuse d'agenda chargé, était en consultation lors de la deuxième date proposée (ce qui est vrai). En même temps, je ne suis pas sûr qu'elle ait souhaité y participer. Pourtant, si je suis dans cette galère avec les rroms, c'est bien à sa demande que j'ai mis les pieds dans un squat pour la première fois le 13 juin 2007.
Tout ça pour vous dire que les rroms n'intéressent personne. Pas même les associations.
Par exemple, Médecins du Monde (MDM). Ses membres interviennent dans les squats et suivent cette population dans leurs locaux de Bacalan. Pourtant, malgré les problèmes que rencontrent les rroms, les membres de l'association n'ont jamais pris position publiquement depuis maintenant huit mois.
Les enjeux sont énormes y compris dans le domaine sanitaire. Devant l'étendue des dégâts dans la vie de ces familles, comment rester silencieux ? Nous nous sommes rencontrés aujourd'hui en vue de préparer une conférence de presse commune sur la situation actuelle dans la CUB. Elle n'aura certainement pas lieu car nos points de vue sont différents, notre liberté de parole n'a pas le même degré de liberté, justement.
MDM est partenaire de la MOUS (je devrais dire caution morale de la MOUS) et ne peut, ou ne veut, s'exprimer sur ce sujet. Bien sûr, en privé tout le monde reconnaît que j'ai eu raison avant tout le monde en critiquant cet outil extraordinaire dont on n'avait pas le mode d'emploi. En fait, le mode d'emploi était bien là mais il manquait un code, que les administratifs ne connaissaient pas, pour déchiffrer ce mode d'emploi destiné à intervenir auprès d'une population complexe.
Alors que faire ? Continuer à essayer de défendre les droits de ces hommes et de ces femmes qui en réalité en ont bien peu ? Ou laisser tomber en attendant les expulsions ?
Je ne sais pas... Je ne sais plus... Je suis fatigué et pourtant tous ces problèmes me motivent, me donnent la force de continuer. Certainement aussi mon côté un peu fier et mon caractère de cochon qui m'obligent à continuer de penser que je ne peux pas abandonner la devise qui a toujours guidé ma vie : Seules les causes perdues d'avance méritent d'être défendues !