Question d'actualité
Publié le 12 Septembre 2008
En ce moment, il nous arrive beaucoup de choses d'Italie.
Les pâtes, le chianti, la mozzarella douteuse, le mauvais exemple présidentiel, le pape et la montée du racisme.
A l'heure où la télévision publique, financée par les fonds de l'état laïque, diffuse la visite papale en direct, j'ai eu envie de vous parler de l'église Saint-Eloi, mais je vais vous parler des roms.
"Ils sont aux portes de nos villes", disait hier soir Dominique Ducassou, adjoint au maire de Bordeaux, lors de l'inauguration de l'exposition la chambre noire de médecins du monde "34 vues contre l'oubli", à la base sous-marine jusqu'à la fin du mois. Une exposition dure, déconseillée aux enfants de moins de 15 ans.
Mais Dominique Ducassou, certainement occupé par les mondanités habituelles, n'avait pas remarqué que les roms sont déjà dans la ville. A Bordeaux, il y en a partout. Aux feux tricolores, à la sortie des bureaux de tabac ou des églises, partout où ils peuvent essayer de récupérer une petite pièce pour vivre. Et hier soir, ils étaient dans la salle.
Un couple de roms roumains avec leur petite fille d'un an et le frère de la maman. Un rom bulgare, aussi, qui vit avec sa femme et ses quatre enfants, dont un bébé de quelques jours, dans un squat. Une petite pièce de huit mètres carrés pour six personnes. Une pièce unique avec deux lits et une petite table basse. Une plaque de cuisine pour préparer les repas. Le courant électrique fourni par une association voisine. Et un point d'eau collectif pour tout le squat. Pas de sanitaires.
Il y a une trentaine de personnes. Des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards. Enfin, si on peut dire. Ils ont soixante ans mais ils en font beaucoup plus. Usés par la vie et la misère.
A la base sous-marine, il y avait aussi un orchestre de roms roumains. Grâce à la musique, ils s'en sortent beaucoup mieux que les autres.
Mais pourquoi je vous parle des roms dans ce blog ?
Tout simplement parce que depuis plus d'un an, l'association que je préside, en collaboration étroite avec Médecins du Monde, accompagne cette population.
Arrivé auprès des roms presque par hasard, j'ai continué par égoïsme.
Au début, j'ai pensé que je pouvais les aider par le fait que j'étais au PS et je connaissais un certain nombre d'élus.
Peu à peu, j'ai compris que je me battais contre des moulins à vent et que la réalité était tout autre. Très souvent, l'écoute et le résultat ont été plus importants dans les mairies de droite que de gauche.
Peu d'élus sont sensibles au problème des roms. Ils ne s'y intéressent que lorsque la presse en parle et qu'on montre la misère des squats.
Pourtant, la situation des roms devrait concerner tous les élus.
A la veille des élections européennes, j'espère que les partis politiques mettront cette question au sein (et au centre) de leurs programmes. N'est-il pas contraire à la convention européenne des droits de l'homme de laisser ces hommes et ces femmes dans la mendicité ? N'ont-ils pas le droit à la dignité ?
Il y a tout d'abord un problème de santé publique.
J'accompagne tous les mardis l'équipe de Médecins du Monde dans les squats. Ils ont diagnostiqué des cas de santé graves. Je ne vous ferais pas la liste ici.
Dans la plupart des cas, ils nécessitent des soins lourds et coûteux. Comme souvent ils n'ont pas de couverture maladie, la prise en charge est faite par l'hôpital.
Mais il y a d'autres problèmes. La scolarisation des enfants. Par exemple, les enfants qui doivent être inscrits au collège ne passeront des tests dans leur langue maternelle qu'à partir du 24 septembre et cela malgré des contacts pris dès le mois de juin avec le CASNAV. Ensuite, ces tests seront envoyés au rectorat (ou à l'académie, je ne sais plus) et seulement après on décidera de l'établissement que l'élève fréquentera.
Il en est de même pour la vaccination des enfants. Certains ont été vaccinés au mois de juin et des rappels devaient être faits en juillet et août. Aucune structure n'a été capable de prendre le relais pour les rappels étant donné que le centre où s'était faite la première injection était fermé pendant les vacances.
Des difficultés, aussi, pour les domiciliations administratives. Certains CCAS font les domiciliations rapidement. D'autres posent des conditions et il faut plusieurs rendez-vous pour obtenir une attestation de domiciliation qui n'est valable que pour un certain nombre de démarches.
Et je ne vous parle pas des difficultés rencontrées pour accéder au travail ou au logement.
Etant européens, les roms (roumains ou bulgares) ont le droit de circuler en France pendant trois mois. A l'issue de cette période ils doivent quitter le territoire français. Mais ils peuvent revenir dans la minute qui suit.
Aberration de la loi étant donné que ne nécessitant plus de visa, personne n'est en capacité de dire depuis quand ils sont sur le territoire national. L'ANAEM, critiquée par les associations pour les méthodes qu'elle utilise pour faciliter les "départs humanitaires" vers les pays d'origine et qui en réalité servent à gonfler les chiffres du ministre de l'immigration, vient de changer les conditions d'inscription pour partir en avion et percevoir tois cent euros à l'arrivée et demande à ce que les candidats fournissent un rapport des assistantes sociales. Elle conseille aussi aux candidats au départ, de s'adresser aux forces de police afin qu'elles leur délivrent une obligation de quitter le territoire, même quand ces personnes sont là depuis moins de trois mois. Bizarre !
Les travailleurs sociaux des associations refusent de faire les rapports destinés à justifier ces départs. Les assistantes sociales des MDSI (Conseil Général), encore une fois à côté de la plaque, délivrent ces rapports, certainement pour se voir débarrassées de cette population pour laquelle elles n'ont aucune solution.
Alors que faut-il faire ?
Je ne suis pas un expert mais je pense qu'il faut avant tout nommer un médiateur capable de faire un audit de la situation. Il servirait d'interlocuteur pour toutes les administrations et permettrait d'éviter le blocage de certaines situations.
Ensuite, il faut ouvrir le monde du travail à cette population. Aujourd'hui, pour accéder à un emploi, il faut que l'employeur constitue un dossier assez complexe et qu'il paye une taxe minimum de 893 € à l'ANAEM. Le double si le salaire mensuel dépasse 1500 €.
L'emploi, et surtout le salaire qui va avec, leur permettra de se prendre en charge complètement. Louer un appartement, donner des conditions de vie correctes à leur famille, accéder aux soins, se sentir un être humain à part entière.
Rrom ne veut-il pas dire "Homme" tout simplement ?