MOUS Rroms, une année de faux espoirs

Publié le 18 Novembre 2010

La MOUS Rroms de l'agglomération bordelaise a un an.

Lancée en novembre 2009, après un début d'incendie le 17 octobre dans un squat de bulgares situé avenue Thiers dans la quartier de la Bastide à Bordeaux, elle s'adresse aux rroms roumains et bulgares ainsi qu'aux bulgares non-rroms présents dans les squats de l'agglomération.

Lors de son lancement, parallèlement à une deuxième MOUS squats en général, le préfet de Gironde s'est donné comme objectif d'éradiquer l'ensemble des squats de la CUB. Utopie incompréhensible de la part du représentant de l'état qui semble ne pas avoir compris que la vie en squat est aussi un mode de vie choisi par certaines populations qui ne souhaitent pas vivre dans la norme qu'impose la société.

D'ailleurs, je me demande toujours pourquoi, lors des projets d'urbanisation, il n'y a pas d'espaces réservés pour ceux qui ont fait ce choix considéré marginal.

Le Centre d'Orientation Sociale (COS), association nationale bien implantée en Gironde, a été désigné comme opérateur de la MOUS et ordre lui a été donné de faire un diagnostic social du squat de l'avenue Thiers avec pour obligation de rendre ce rapport dans un délai d'un mois.

Il y avait deux squats de bulgares sur le même site mais un seul a été diagnostiqué. Au début, certains rroms ne souhaitaient pas recevoir les employés du COS, d'une part parce qu'ils ne les connaissaient pas, d'autre part parce qu'ils étaient accompagnés par la traductrice qui travaillait habituellement avec la police. Malgré mes mises en garde, le COS a continué cette collaboration pendant quelques mois avant de s'en séparer.

Pour convaincre les familles bulgares de rencontrer les employés du COS, je me suis retrouvé à 22 heures ou 23 heures, avec Muriel Parcelier, maire adjoint de la Bastide, dans les squats à essayer de faire les médiateurs.

Comme le COS ne connaissait rien à cette population, qui n'est pas son public habituel, j'ai participé au "casting" pour sélectionner les premières familles qui pourraient être proposées au préfet de Gironde pour être accompagnées dans le cadre de la MOUS et bénéficier d'un titre de séjour leur permettant de travailler.

Il ne fallait pas en proposer trop de peur que le préfet refuse.

Première grosse erreur du COS qui, par peur du préfet, n'a pas diagnostiqué les familles sérieusement. Beaucoup n'ont pas été proposées alors qu'elles étaient en capacité d'être accompagnées comme celles qui ont été choisies par le COS. Cette limite volontaire que s'est imposé le COS a fait que, son rapport rendu, il a été prié de passer à un autre squat sans possibilité de revenir à Thiers. Il était pourtant de son devoir de signaler au comité de pilotage de la MOUS la situation des autres familles ce qui semble ne pas avoir été fait.

Le comité de pilotage, composé de fonctionnaires de la préfecture, de la CUB, du Conseil Général et de la mairie de Bordeaux, avait choisi quatre squats prioritaires pour l'action du COS. C'étaient les squats de Thiers, Floirac, Cenon et Gradignan. Pour moi, il n'y avait aucune urgence ni pour Thiers ni pour Gradignan. Par contre, il était urgent de diagnostiquer le bidonville de Floirac où vivait une centaine de personnes dans des conditions plus que misérables. Il était aussi urgent de visiter le squat de Cenon où il y avait de nombreux enfants (27), sans eau ni électricité, au milieu d'une bonne centaine de rats qui faisaient la course tous les soirs.

Mais le COS, je ne sais pour quelle raison, a été diagnostiquer un autre squat, qui par la suite s'est avéré avoir été une grosse erreur.

Sentant la chose mal partie, à la demande des rroms, j'ai alors organisé la deuxième manifestation de rroms en France pour alerter l'opinion publique sur ce qui se passait et demander au préfet l'attribution de titres de séjour en plus grand nombre. Nous avions profité de cette manifestation pour demander aussi l'abandon des suites judiciaires pour les bulgares qui avaient fait des branchements électriques sauvages et nous demandions l'accès à l'eau et à l'électricité dans tous les squats.

Mais le COS était déjà ailleurs, on ne savait pas trop où d'ailleurs. Encore une fois, des diagnostics faits à la va-vite, sans connaissance des familles. Encore un échec avec une famille de Floirac qui a été mise dans un appartement sans y avoir été préparée et sans encadrement familial.

Mais cela n'a pas empêché le COS de communiquer en faisant venir télévisions et autres journalistes. Ce qu'il a oublié de dire, c'est que les deux familles qui avaient été relogées, l'avaient été dans des locaux appartenant au COS et non pas dans des logements autonomes.

Quelques femmes ont trouvé des heures de ménage et il semble que cala a été plus difficile pour les hommes. Un couple a même été séparé pour des problèmes d'alcool. La femme et les enfants ont été logés dans un de ces appartements et le mari à l'hôtel où il est encore et cela depuis plusieurs mois.

Presque un an plus tard, le COS a donc commencé la semaine dernière le diagnostic du squat de rroms roumains situé à Cenon, oublié depuis le début alors qu'il avait été classé prioritaire.

Je n'ai pas beaucoup d'espoir en ce qui concerne les résultats pour ce squat. Peut-être deux titres de séjour, quatre à tout casser, sur la vingtaine d'adultes présents.

J'ai demandé à assister aux entretiens avec ces familles, moi ou quelqu'un de Médecins du Monde, ce qui a été refusé par le directeur du COS qui ne souhaitait pas faire travailler son personnel sous surveillance et qui ne permettait pas que l'on mette en cause le professionnalisme de son personnel.

Ce que je voulais, c'est comprendre où est-ce que cela coince. Au COS, au comité de pilotage, à la préfecture ?

Devant ce refus, je me suis dit que le COS avait certainement quelque chose à cacher et m'a réconforté dans les soupçons que j'avais. J'ai eu l'occasion de voir le bilan de la première phase de la MOUS et j'y ai repéré quelques anomalies, pour ne pas dire mensonges. Faux chiffres et fausses informations données aux élus, des données basées sur des chiffres police alors que cela devait être un diagnostic social, nombreux partenaires dont on peut se demander sur quel domaine ils interviennent auprès des rroms, etc.

Mais si je voulais comprendre c'est aussi parce qu'en une année, le COS n'a diagnostiqué que quatre squats dont un petit d'une dizaine de personnes alors qu'il reste six mois de MOUS et il reste encore six squats à visiter. Je me demande d'ailleurs s'ils savent que ces squats existent où s'il faut les leur montrer comme cela s'est fait au début.

Les résultats de la MOUS au bout d'un an et de 150 000 € investis pour le diagnostic sont bien minimes. Certains diront que c'est mieux que rien. Pour moi, c'est bien trop peu, je dirais presque que cette MOUS est une escroquerie. Escroquerie vis à vis de l'opinion publique, à laquelle on donne l'impression de s'occuper des rroms, mais aussi vis à vis des rroms eux mêmes, à qui on ne demande pas leur avis alors qu'il s'agit de leur vie.

J'ai aussi l'impression que cela a surtout été l'occasion de ficher les rroms présents dans l'agglomération.

Sur les 400 à 500 personnes qui vivent actuellement dans les squats de l'agglomération, seules quelques dix ou douze familles (20 à 24 personnes) ont obtenu un titre de séjour, certaines d'entre elles hors protocole MOUS car elles ont trouvé par elles-mêmes un employeur qui leur a fait un contrat de travail. Trois familles sont hébergées dans les locaux du COS et les autres le sont à l'hôtel depuis plusieurs mois. Quand je dis hébergées, ce n'est pas tout à fait vrai. Elles dorment parfois à l'hôtel parfois dans le squat où elles continuent de se rendre pour préparer et prendre leurs repas ou laver leur linge.

Oui, vous avez bien lu, on paie des chambres d'hôtel qui restent vides. C'est encore une fois une grosse erreur de l'opérateur et des pouvoirs publics car il n'y avait pas d'urgence à sortir ces gens du squat, surtout s'il n'y avait pas de solution durable pour les reloger. C'est une erreur aussi car, encore une fois, on n'a pas tenu compte du fonctionnement de cette population, de leur relation à la famille.

Je demande, ainsi que Médecins du Monde, la création d'un poste de médiateur qui connaisse cette population et qui connaisse bien le fonctionnement des institutions. Certains élus y sont favorables mais il semble que le COS n'en voie pas la nécessité. Bien sur, reconnaître le manque d'un médiateur ce serait aussi reconnaître son échec dans cette tâche qui semble trop importante pour le COS.

Alors, aujourd'hui, après un an de MOUS, il semble que les rroms donnent des soucis aux pouvoirs publics qui ne savent pas comment s'y prendre. Certains d'entre eux ont même évoqué la possibilité de demander au Collectif Romeurope des préconisations en ce qui concerne la situation bordelaise. Non seulement ce n'est pas le rôle de Romeurope de faire ces propositions car c'est un collectif militant qui n'a pas à s'impliquer dans la gestion des actions mises en places auprès des rroms mais de plus je m'y serais opposé au sein du comité technique de Romeurope car depuis un an les pouvoirs publics refusent de dialoguer avec mon association (ou avec moi).

Mais à Bordeaux, nous avons des élus et surtout des administratifs très compétents, qui cherchent une solution depuis un an, parfois du côté de Strasbourg, Lille ou Marseille (si ! si !) mais qui ne veulent pas entendre les avis de ceux qui sont quotidiennement sur le terrain au contact des rroms.

Bravo ! Continuez mais n'oubliez pas que dans six mois il faudra rendre public le bilan de cette MOUS car les journalistes ne manqueront pas de le demander. Et là ça risque de coincer.... D'ailleurs, s'il y a eu quelques résultats, c'est grâce à la presse qui n'a pas manqué de rendre compte de la situation à l'opinion publique.

Merci aux journalistes qui y ont contribué !

Pour terminer, une question me vient à l'esprit. Que penserait Alexandre Glasberg, le militant fondateur du COS, de tout ceci ?

A méditer...

Rédigé par Mouette Rieuse

Publié dans #Immigration

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