Traitement "social" d'un bidonville

Publié le 6 Mai 2010

Hier matin, j'ai été avisé vers 7H15 qu'une descente de police avait lieu au bidonville de la rue Jean Jaurès à Floirac. Les policiers étaient 120 dont beaucoup de CRS.

Comme pour toute opération de communication, la presse avait été invitée malgré l'heure matinale puisque, comme l'a relaté le journaliste de Sud-Ouest, "le jour n'était pas encore levé".

Toujours d'après l'article de Sud-Ouest, il semble que l'opération ait été demandée par la députée-maire de Floirac, suite à des plaintes des riverains.

Onze rroms bulgares ont été interpellés, soupçonnées de divers délits. Parmi eux, des pères de famille.

Mais que leur reproche-t-on ?

N'ayant pas été sur place, il semble qu'on veuille leur faire payer leurs activités de ferrailleurs, résultat même de la situation de misère dans laquelle ils se trouvent. Mais ils sont aussi soupçonnés de vol d'électricité. A croire que les bulgares s'en sont fait une spécialité. Ironie du sort, le courant leur avait été coupé en début de semaine dernière, toujours à la demande de la mairie de Floirac.

Depuis maintenant environ deux mois, il y a dans ce squat beaucoup de nouvelles têtes, des bulgares qui sont venus suite au vol organisé par l'OFFI pour les pseudos retours humanitaires du 16 février dernier. L'appel d'air tant redouté par les autorités a bien eu lieu, mais uniquement pour percevoir la prime de 300 € que l'État français donne à chaque voyageur pour le remercier d'avoir accepté de gonfler les chiffres des reconduites à la frontière du ministre de l'immigration.

Ces départs en avion se font aussi le matin, avant la levée du jour, mais les autorités se gardent bien d'inviter la presse tellement elles ne veulent pas que cela se sache. Rien à voir avec une opération comme celle-ci où le but est aussi de rassurer les riverains délateurs qui envoient des photos à la mairie, semble-t-il.

L'activité de ferrailleur n'est pas quelque chose de nouveau dans ce bidonville et je l'ai observée déjà en 2008, lorsque je me suis rendu dans ce squat pour la première fois. Ce qui change, c'est que le bidonville est situé sur le terrain où doit être construite un groupe scolaire et à proximité immédiate du futur complexe Arena, si cher à la mairie de Floirac. Vous l'avez compris, il y a d'énormes intérêts financiers en jeu et les rroms semblent bloquer ces projets par leur présence.

D'ailleurs, j'ai surpris mercredi 28 avril vers midi une voiture Citröen C5 noire, avec deux hommes en costard-cravate à bord, qui surveillaient le squat depuis la route. La voiture était immatriculée AL 782 LX. Le problème, c'est que cette voiture n'existe pas. Voiture avec fausses plaques ? Ou bien autre chose ? Bizarre, n'est-ce pas ? Pourquoi s'intéresse-t-on tellement aux rroms de Floirac ?

Dans quelques jours prend fin la première phase (six mois) de la MOUS déclenchée par le préfet de Gironde au mois de novembre. Pour un coût de 75 000 €, cette phase consiste à faire une analyse de la situation des squats de rroms dans l'agglomération bordelaise et à mettre en place un accompagnement social pour certaines familles. Le bidonville de Floirac avait été désigné par le comité de pilotage de la MOUS comme étant prioritaire (en deuxième position après celui de l'avenue Thiers à Bordeaux) dans le cadre de cette MOUS.

L'intervention d'hier matin démontre que cette MOUS est un échec, par manque de volonté des pouvoirs publics et que la façon d'approcher cette population est erronée. Une population complexe, certes, mais complètement inconnue des pouvoirs publics par son mode de fonctionnement, ses codes, ses rapports au groupe, ses habitudes.

Je ne connais pas la réalité des raisons des interpellations mais je ne doute pas que le comité de soutien qui est en train de naître sur Floirac fera le nécessaire pour dénoncer cette situation si elle n'est pas justifiée. Dans ce comité de soutien, on peut trouver quelques riverains du squat mais aussi des associatifs et même des militants de la 25ème heure, comme ceux qui n'ont jamais pris position pour défendre les rroms, qu'on n'a jamais vus dans un squat mais qui veulent donner des leçons à tout le monde et qui ont la critique stupide et bien trop facile.

Cette intervention policière n'est pas le fruit du hasard, elle avait déjà été demandée il y a plus d'un mois. Je ne doute pas qu'elle sera suivie, avant la fin de l'année scolaire, d'une nouvelle, ayant pour but d'expulser les habitants du bidonville et de détruire celui-ci afin que la première pierre des travaux puisse être posée avant l'été comme promis.

Les rroms, quant à eux, partiront passer un mois ou deux en Bulgarie. Ensuite, à partir de la mi-août, il reviendront pour s'installer ailleurs. A Floirac ou dans une autre ville. Et tout recommencera. Les scolarisations des enfants, les problèmes d'eau et de chauffage, les contrôles de police, les garde-à-vues, la mendicité. La vie de rrom en France jusqu'en 2012.

 

Rédigé par Mouette Rieuse

Publié dans #Immigration

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